Lettre ouverte à Mohammed Ali

Cher Mohammed,

Quand je t’ai rencontré pour la première fois en novembre 1972, tu étais au sommet de ton grand retour et ta trentaine naissante t’avait rendu encore plus séduisant que tu ne l’étais dix ans plus tôt. Tu bâtissais ton camp d’entraînement, le Paradis du boxeur, tu écrivais des poèmes tels que « Liberté », et tu battais successivement plusieurs de tes rivaux. Tu étais majestueux. Tu faisais partie des icônes des années 1960 et tu allais devenir plus puissant encore lors de la décennie qui s’ouvrait. Quand Ken Norton t’a cassé la mâchoire en 1973, personne n’aurait parié sur ta reconquête du titre des lourds. Mais tu as fait preuve d’une grandeur inouïe dans ta défaite, tel un héros grec drapé dans une cape. Et puis tu as ébahi le monde en mettant Foreman K-O à la huitième reprise pour redevenir champion du monde des poids lourds avant de faire chuter Frazier à la quatorzième. Il m’a toujours semblé que tu représentais le pays, ta présence paraissait refléter ses passions… Je me suis souvent demandé quel était ton avis sur ce que tu as accompli.

[…] Enregistré et écrit entre 1972 et 1974, Mohammed Ali. Le combat du ciel est ta propre version, toute de poèmes bruts et de raps tranchants, de ta philosophie et des grands projets que tu avais pour le jour où tu raccrocherais les gants.

Je repense à l’horreur de ce que tu as vécu quand cela s’est révélé impossible. Selon tes plans, tes gains du « Rumble » et du « Thrilla », environ 8 millions de dollars, devaient te permettre de vivre confortablement jusqu’à la fin de tes jours. Mais cela ne s’est pas passé comme ça […].

Le plus beau, c’est que tu t’es élevé au-dessus de tout ça. Grâce soit rendue au ciel pour ta quatrième femme, Lonnie Ali. Son amour et son attention inconditionnels mêlés à ses talents de gestionnaire t’ont offert une jolie vie durant les trente-cinq années qui ont suivi la fin de ton règne.

J’aime me dire que tu as continué de t’amuser dans tous tes trajets en voiture. Tu as gardé ta dignité. Tu es resté Mohammed Ali jusqu’au bout. Ton opposition à la guerre du Vietnam est la plus grande chose que tu aies réalisée. C’était d’une telle pureté. Tu étais vraiment un roi. Ton charisme… Plus que tout, je te remercie d’avoir pris tant de risques durant ces années bouillonnantes et d’avoir toujours été une inspiration pour nous tous qui essayons de ne pas trahir nos rêves […].

Du fond de mon cœur, avec mes plus sincères remerciements.

Ton visage demeurera toujours gravé sur mon intime mont Rushmore des héros de la culture, en compagnie d’Andy Warhol et de William Burroughs, de Keith Richards et de Lou Reed.

 

— Victor Bockris, États-Unis, juin 2016.

L’intégralité de ce texte est à découvrir dans Mohammed Ali. Le combat du ciel, disponible aux éditions Globe.

 

Victor Bockris et Mohammed Ali

Victor Bockris et Mohammed Ali © Victor Bockris/David Schmidlapp


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